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Chroniques
Giovanni Simone Mayr
Medea in Corinto | Médée en Corinthe
Initié très tôt à la musique par un père organiste, le Bavarois de naissance Giovanni Simone Mayr, né Johann Simon (1763-1845), se perfectionne auprès de Ferdinando Bertoni à Venise – alors successeur de Galuppi comme maitre de chapelle à Saint-Marc –, puis s’oriente logiquement vers la musique sacrée. Mais le succès de Saffo (1794), son premier essai pour le théâtre encouragé par Piccini et von Winter, l’entraîne vers une carrière marquée par soixante-quinze opéras écrits en l’espace de trente ans. Comme jalons menant à cette Medea in Corinto en deux actes créée au Teatro San Carlo de Naples, le 28 novembre 1813, citons Lodoïska (1796), Adriana in Siria (1798) ou encore Ginevra di Scozia (1801) [lire notre critique du CD].
Sur un personnage qui fascine les musiciens depuis sa entrée sur la scène euripidienne – parmi lesquels Charpentier (1693) [lire notre critique du DVD], Cherubini (1797) [lire notre critique du DVD] et Reimann tout récemment [lire notre critique du DVD] –, le livret de Giuseppe Felice Romani innove à sa façon, en offrant une confrontation psychologique fouillée entre Giasone et Medea à l’Acte I, loin du stéréotype, et en donnant une certaine importance à Egeo, amant malheureux lui aussi, dans un parallèle qui humanise un peu plus le rôle-titre.
Malheureusement pour ce premier Mayr disponible en vidéo, Hans Neuenfels investit avec lourdeur le décor unique signé Anna Viebrock. Partant du principe que « l’angoisse est le grand thème de cet opéra », les images rituelles d’entrée en fosse laissent place à un cri d’effroi de Creusa, prémices à d’encombrantes scènes de tortures qui viennent sans cesse rappeler la violence du système social. Même Hymen et Amour, représentés par des danseurs, finissent par se salir les mains. Derrière ce besoin ridicule de surenchère, on sent une peur du vide et peut-être de la musique, sensible lors du magnifique solo de harpe de Joy Smith gâché par des gesticulations de figurants.
Par chance, cette production munichoise de juin 2010, filmée au Nationaltheater, réunit des artistes de talent. Si Alastair Miles déçoit en Creonte décati qui tarde à se stabiliser, le quatuor amoureux séduit durablement : Ramón Vargas (Jason) par un chant évident, souple et onctueux, Nadja Michael (Medea) dont les graves se réveillent peu à peu, Alek Schrader (Egeo) avec sa vaillance claire et nuancée, ainsi qu’Elena Tsallagova (Creusa) grâce à un timbre lumineux, une ligne pure et un phrasé parfait, exempt de heurts. Ajoutons à cette liste élogieuse Kenneth Roberson (Evandro) au timbre très présent, l’efficace Francesco Petrozzi (Tideo) et la prometteuse Laura Nicorescu (Ismene).
Se souvenant de Beethoven, Mozart et Gluck, le futur professeur de Bellini et Donizetti est un compositeur charnière entre deux styles musicaux. Spécialiste de musique baroque et chef principal du Mozarteum Orchester de Salzbourg, Ivor Bolton sert au mieux sa partition, à la tête d’un sublime Bayerisches Staatsorchester, fort ciselé, où chaque pupitre affirme sa contribution – et particulièrement les bois, avec une brillance remarquable. On pourra prolonger ce plaisir de l’oreille par les entretiens qu’offrent un bonus de trois quarts d’heure.
LB